Message partagé lors du culte du samedi 24 décembre 2022 à Diesse
Texte de référence : Luc 2, 1-14
Jésus est né dans une crèche, parce qu’il n’y avait plus de place à l’endroit prévu à cet effet nous dit littéralement le récit. Autant le dire, l’histoire de Marie et Joseph a commencé par s’écrire en lettre plutôt noire. Le recensement a pour but de connaître le nombre de ses sujets afin de mieux les faire plier à ses exigences. Aucune compassion ou flexibilité, Marie et Joseph doivent s’y contraindre, malgré la naissance qui s’annonce toute proche. Les dispositions pour un tel voyage rendent la vie qui s’annonce plus incertaine et fragile. Mais le noir, c’est aussi lorsqu’enfin le voyage arrive à son terme, que le soulagement pourrait enfin être au rendez-vous, il n’y a même plus de place à l’endroit envisagé.
Et c’est là qu’il y a ce retournement incroyable, alors que le destin du jeune couple se rétréci, se fragilise set se noirci, la naissance de Jésus dans une crèche, c’est un possible de vie que personne n’aurait imaginé. D’autant plus pour une révélation divine, imaginez, dans une crèche, là où les animaux mangent.
Vous reconnaissez ! Bien sûr que vous reconnaissez un stabilo. Le stabilo boss, car semble-t-il, il était d’abord utilisé par les boss, les directeurs. Je ne vais pas me prendre pour un boss, mais il m’arrive d’utiliser un stabilo. Je l’utilise principalement lors des cérémonies de services funèbres. Pris par l’émotion, il peut m’arriver de perdre le fil, en un coup d‘œil, je peux reprendre là où je dois reprendre. Il permet de surligner ce qui est écrit pour le mettre en évidence. Le mot écrit en noir reste noir, mais il n’y a pas que cela. Qu’elle belle image pour Marie et Joseph comme une destin qui se noirci, mais il n’y aura pas que cela.
Saviez-vous que Bethléem signifie littéralement la maison du pain. On croyait pour Marie et Joseph un demain sans lendemains il se révèle pétri de levain.
La venue de Jésus surgit au cœur de la nuit, Dieu se tient là où nous croyons que plus rien de tient, comme un trait de lumière pour déshabiller les noirceurs et pour nous aider à percevoir un possible de vie, un possible de joie que nous n’aurions justement pas imaginé.
Pourquoi ? Combien de fois nous réagissons en noir et le blanc : Nos projets se réalisent ou ne se réalisent pas ; nos défis sont réussis ou pas, nous vivons des événements que nous considérons comme positifs ou négatifs… ainsi, nous risquons de passer de la joie à la tristesse, de la paix à la crainte aux grés des événements qui surviennent. (en montrant le stabilo) La venue de Jésus comme un trait de lumière au cœur de la nuit.
J’aimerais vous donner 3 exemples qui m’ont touché dans la manière dont ce trait de lumière peut se concrétiser au cœur de la foi :
La trêve de Noël : Nous sommes le 24 décembre 1914, l’espoir d’une guerre courte s’est envolé. On pense aux siens bien loin des tranchés, on craint pour sa vie.
Une petite parenthèse avec la venue du prêtre, on improvise un lieu de célébration et un autel avec quelques planches de bois.
La guerre fait silence un moment, on prie, quand non loin de là, les soldats français entendent : « Stille Nacht, Heilige Nacht », les soldats allemands célèbrent eux aussi. Et voici que les soldats français se mettent à leur répondre : Douce nuit, sainte nuit… ». C’est le même air, la même chanson, la même foi qui s’exprime de part et d’autre. La foi comme un trait de lumière au cœur de la nuit pour découvrir qu’il n’y a pas que la nuit malgré tout. Ho, ne nous berçons pas d’illusion, très vite les supérieurs reprendront leurs soldats pour leur ordonner de retourner dans les tranchés. Oublié la parenthèse ? De nombreux soldats puiseront dans cette trêve la force de croire qu’un jour cette guerre finira.
Quel est votre volonté ? Je m’en souviens bien, atteinte dans sa santé par un cancer, elle a dû s’astreindre à de nombreux séjours à l’hôpital. Ce qui m’a touché chez elle, c’est que malgré la fragilité de sa santé, elle avait gardé un certain humour. Ma foi, me disait-elle m’aide à ne pas oublier que je ne suis qu’une malade. Régulièrement, lorsqu’elle retournait à l’hôpital, c’est les mêmes questions qui lui étaient posées : Si vous faites un malaise, que devons-nous faire ou ne pas faire ? Si vous faite un Avec, que devons-nous faire ou ne pas faire ? elle avait déjà répondu si souvent à ces mêmes questions. Et voilà qu’une fois de plus, c’est le même interrogatoire, elle aurait pu s’énerver, refuser ou s’y résigner…, et voilà que spontanément elle répond à l’infirmière : Et bien si ça m’arrive, vous me prenez dans les bras et vous me dites bonne nuit ! » l’infirmière surprise lui sourit et lui dit : Mais pour cela, il n’y a pas besoin d’attendre, elle ouvre grand ses bras pour la serrer contre elle. La foi comme un trait de lumière pour adoucir les noirceurs de la vie.
Ce qui ne vieillit pas : Sœur Gabrielle fait partie de la communauté de Grandchamp à Areuse près de Boudry et Colombier. Sa santé s’étant fragilisée, elle n’a pas pu rester, elle vit aujourd’hui dans un foyer pour personnes handicapée et se déplace sur une chaise roulante. Tant de choses sont devenus plus compliquée ou plus possible pour elle, une vie qui se rétrécit ou s’obscurcit pourrait-on dire. Et pourtant, elle rayonne d’une joie incroyable. Je ne peux plus vivre dans ma communauté, mais je sais le patois et voilà qu’elle fonde un chœur avec celles et ceux qui aiment chanter en patois. J’ai besoin de ma chaise pour me déplacer, mais j’aime toujours dessiner, peindre, découper et voilà qu’elle donne des cours de peinture à des personnes handicapés… Ma foi dit-elle m’aide à garder la flamme de la joie allumée, car ajoute-t-elle, ce qui ne vieilli pas en nous, c’est la joie d’être aimée et de pouvoir aimer ; ce qui ne vieilli jamais en nous c’est la joie de s’émerveiller pour ce qui nous est donné jour après jour ; ce qui ne vieilli pas, c’est la joie de pouvoir donner et partager… La foi comme un trait de lumière pour ne pas se laisser écraser par les obscurités.
Nous avons et nous aurons encore des raisons de nous plaindre bien sûr, d’être déçus, de sentir des espoirs et des réjouissances qui s’éteignent en nous, tout ce qui peut s’écrire en lettre noire. Et pourtant, il y a la naissance de Jésus, là où on ne l’attendait pas. Oui, il vient, il vient pour toi aussi, pour se tenir là où tu crois parfois que plus rien ne tient, pour un lendemain encore pétri de levain, comme un trait de lumière pour ton aujourd’hui et ton demain. C’est pourquoi, je vous dis : Joyeux, joyeux Noël !
Amen